Un vrai Barge (Final jFF)

Quand je suis arrivé sur Les Champs j’étais congelé des pieds jusqu’à la tête alors je suis entré dans un café où il y avait presque personne. C’est peut-être pour ça que la serveuse m’a accueillie avec une sorte de sourire radieux et surpris alors que je  m’enfonçais dans une banquette avec les Air  pourtant ruisselantes.

« Vous me feriez un Irish ; mais alors avec trois tonnes de chantilly ‘siouplaît ?
- Certainement, qu’elle m’a sussuré avec une voix d’hôtesse de l’air ; le genre qui te soulève tout ; je vous apporte ça tout de suite… »

Elle est revenue vers sa collègue qui lisait Closer au comptoir d’acajou lustré ; en chaloupant de son petit boule sous sa jupe serrée comme seules les parigotes savent le faire. Et puis elles ont commencé à glousser en me regardant à la dérobée ; si ce n’était le vernis de l’établissement dans lequel elles bossaient elles devaient être tout aussi pestouilles que les Bargeaises. Mais peut-être que c’était ma touche, aussi ; j’avais gardé mon bonnet et quand je l’ai enlevé j’avais les cheveux dans tous les sens et l’air du dehors les électrisait encore tellement que j’avais grand-peine à les discipliner Toutes les glaces du bel endroit me rappelaient à ma coiffure d’ahuri ; j’ai renoncé.

D’autant que la sylphide revenait, avec un Irish de toute beauté dans une grande tulipe cristalline, sur laquelle flottait un dôme de crème monumental parsemé d’amandes effilées. Elle avait son Closer plié sous le bras.

«  Dites, je peux vous demander quelque chose ?
- Mais certainement, ai-je répondu en imitant son ton de voix sirupeux.
- Jeffrey S***, c’est bien vous ? »

Je suis resté un instant éberlué. Puis elle a ouvert son canard.
«  Mais oui, celui qui joue dans Midnight Parlor avec A.S.E.N, on se demandait avec ma copine si c’était vous… »

Le magazine présentait en exclu un dossier sur le tournage, la taule reconstituée, une interview de Barney ;  A.S.E.N et moi-même marchant côte à côte en pleine page de droite, fusils à pompe dans les mains. J’avais une gueule tout aussi chiffonnée que là, avec mon bonnet. C’était bien moi, on m’avait bien informé à la prod que certains clichés seraient publiés mais j’étais tellement la tête dans le guidon à ce moment-là que j’avais juste mollement acquiescé. Sans bien réaliser ce que ça représentait dorénavant pour mon image.

Et River, et maman comment elles réagiraient en me voyant mort et sanguinolent, à l’écran ?

La chantilly commençait un peu à s’affaisser et j’avais vraiment pas envie de m’emmerder.
«  Non, désolé. Ça me ressemble peut-être un peu, mais moi je m’appelle Joachim. »

Elle a rejoint sa copine, l’air déçu et soupçonneux ; tandis que je m’abandonnais à la goinfrerie, sans manière, sans complexe.
Un vrai barbare, juste débarqué de Saint-Barge-Lès-Narvalos ; dans le huit-six….