Murray est mort (vive Murray -jFF)

Puis je suis dans l’eau, par terre, aveuglé soudain par une lumière crue qui tombe d’en haut. Les caméras sont dans mon œil ultra-dilaté. J’ai la nausée. Ce doit être le sang de synthèse qui se déverse de ma poche abdominale ou celui qui me coule de la bouche. J’ai très froid, je vais sûrement choper la crève. Mais il faut que je reste comme ça, agonisant et effaré pendant ce qui me semble une éternité.

Je revois planer l’ombre blanche de Vivonne,  j’entends vrombir dans le ciel un nouvel orage de goudron. Ce doit être bon pour la prise mais j’ai atrocement mal au dos. Je pensais pas que ce serait aussi dur.

Quand enfin ils coupent, je sens Allan qui m’aide à me relever et qui me conduit illico à la douche brûlante, au travers des murmures. Et quelques instants après, je me retrouve habillé de neuf, sur un banc, dans les bras de Lollie. Parce qu’elle s’appelle aussi Lollie en vrai, il a pas fait preuve d’une imagination débordante Barney. Je suis avachi, infiniment lourd ; et je respire avec peine. Pourtant, sa peau blonde et sa chaleur ont quelque chose de maternel ; un à un, les ressorts trop longtemps bandés dans mes muscles se relâchent.

Je suis à Saint-Barge, sous le soleil et je cours sans m’arrêter au faîte d’un mur très haut en évitant les tessons de bouteille tranchants qui y sont fichés. Je suis le Roi.

«  Joachim ! Joachim ! Tu vas te tuer !
- Mais non M’man regarde, c’est large comme une avenue. Il l’avait jamais fait, ça, Alb ; il l’a jamais fait ???
- Joachim! »

Sur quel plan ai-je atterri ? Est-ce le film, est-ce mon rêve ou la réalité ? Les visages d’Allan, de Lollie et de A.S.E.N  sont penchés sur moi.
«  Il a dû s’évanouir. Ou simplement s’endormir.
- S’endormir ? s’émeut la jolie voix germanique, ne sois pas si vache ; il est à bout de force ! »
Je proteste :
«  Nan,nan Lol ! Ça va, ça va… Tu veux bien enlever tes cheveux de ma narine ?
- Ouais ouais c’est ça, à bout de forces… Il va pas gémir, lui, son job est terminé. Refais-toi espèce de connard ; t’as une semaine.  Je veux pas de cette gueule d’enterré pendant la promo… »

La promo ? Moi qui croyais que c’était vraiment fini…

Le soir de ma mort on s’est tous réunis dans ma chambre (même Lollie et A.S.E.N ) pour me veiller, ou plutôt pour célébrer l’accession de Murray au purgatoire des enfoirés ; à grands coups de vodkas amenées par Léna. Tout un assortiment de son pays grâce auquel on s’est copieusement démonté la gueule. Elle devait désespérer, Léna de me choper un jour parce qu’elle s’était fait faire une poignée de dreadlocks à l’avant de sa tête aux cheveux pralinés et que c’était plutôt de nature à affoler la braguette d’Allan. Mais je profitais aussi de la vue sur ses bas élastiques blancs sous son short effrangé ; et soudain je reprenais des couleurs, allez comprendre…