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NoelleS07.jpgJe n'ai pas vraiment eu le temps de faire mon deuil; ni de maman, ni de Noëlle, ni des dernières illusions que je pouvais nourrir sur ma famille. De retour à Paris, c'est mon père qui m'est tombé dessus.

 

N'ayez pas de regrets, les amis, si vous n'appartenez pas à une famille bourge de Paris; sans rire, n'ayez aucun regret. Une petite bizarrerie, une franche indifférence aux convenances et au qu'en dira-t-on peuvent vous rendre orphelin en deux temps trois mouvements.Mon père ne m'accusait pas de folie pyromane, ni de tentative de captation d'héritage... Il m'accusait juste d'être pédé, de brûler ma vie, d'avoir largement contribué par mes frasques et mon égoïsme au dérèglement de la famille. J'ai plaidé coupable pour les deux premières mises en cause, et je me suis retrouvé illico avec une carte bleue pourvue de 1500 euros et l'aimable injonction de foutre le camp.

 

En descendant sur le trottoir, je me suis rendu compte à quel point j'étais une merde  inutile; j'ai marché, je suis allé chez ceux qui étaient le moins susceptibles d'être mes amis et deux ou trois orgies plus tard, je me suis enfin décidé à sonner chez mon parrain Octave.

 

Même si l'on dit notre engeance "invertie" pervertie, inepte, jouisseuse et absolument incapable de la moindre once de solidarité; nul mieux que lui ne pouvait me comprendre, et pour cause... Il me connaissait depuis bien longtemps, sans me l'avoir jamais dit et ces deux années-là, je me suis rendu compte que j'avais un père, sans attache biologique, non, simplement d'inconditionnelle gentillesse et de dévouement absolu. Ce qu'il a été pour moi, aucune personne de mon sang ne l'a jamais été, que peut-on maintenant arguer face à cela pour refuser aux homos d'adopter?

 

La parenté est une chose à laquelle coeur et esprit acceptent de se consacrer ensemble; je ne sais pas si la filiation organique peut peser bien lourd à côté de ça. Aujourd'hui je le dis, avec la pleine conscience de mon épanouissement physique et moral; j'ai un père qui s'appelle Octave, et une soeur qui s'appelle Noëlle; sans eux, malgré une vraie famille biologique, je serais un handicapé de l'affection.

 

Au milieu d'une belle carrière remplie d'éphèbes, Octave est tombé amoureux de papa; mais si mon père avait répondu totalement à ses sollicitations, aurait-il été mon père? Amoureux et dévoué, il a surmonté son chagrin pour me regarder naître, puis être un secours régulier pour ma famille. Sans doute était-il écrit qu'il y aurait à ce dévouement une récompense, et que je marcherais dans ses traces. Je n'ai jamais été aussi bien que lorsqu'il m'a pris en charge.

 

Enfin quelqu'un qui ne me reprochait pas de courir plusieurs lièvres à la fois, enfin quelqu'un qui me laissait entreprendre mille et mille choses, d'abord des études d'allemand (secondaire, mais en mémoire de Noëlle) puis le rallye automobile (primordial, et des compétitions un peu plus importantes que ce que mon papa daignait me financer), enfin quelqu'un qui ne me saoûlait ni de questions ni de reproches si je ramenais un ami dans ma chambre et qu'il en avait disparu au petit matin...

 

Libre de mes choix, de mon affection et de ma sexualité, tout ou presque s'est mis à me réussir. Croyant mettre mon nez dans les moteurs et ne pas trop le sortir, je ne m'attendais pas à être repéré , mal rasé et suant dans un bled perdu de Mauritanie par un quadra de la mode échoué là et très désireux de m'épingler sur papier glacé. J'ai donc connu , à côté des pistes et du cambouis, les podiums et backstages remplis de créatures affolantes.

J'ai quitté le bel appartement d'Octave pour m'établir quelques rues plus loin, où je lui rachetai son ancien cabinet de phoniatre et le studio au-dessus pour l'aménager à la couleur de mon esprit.

 

Le boulot n'a pas manqué; les visiteurs non plus... J'étais ivre de vie et de réussite, ce train de bonheur pouvait bien s'emballer, peu importe! J'avais trouvé un endroit , un bric-à-brac urbain pour confiner ma fièvre.

Août touchait à sa fin quand je me rendis ce jour-là Gare Saint-Lazare rafler deux paquets de clopes et tombai en arrêt, devant la guérite à smoothies (délicieux au demeurant); ou plutôt devant une silhouette féminine accoudée à ladite guérite, en l'attente d'un nectar fruits-rouges-banane (je m'en souviens bien, n'est-ce pas?)

Saint-Lazare.jpg

 

Cette manière de porter avec une désarmante innocence la plus minimale tunique noire décolletée comme une robe en pleine foule surchauffée, avec des escarpins vertigineux qui lui donnaient une cambrure encore plus provocante; cette manière de s'éloigner, regard perdu et chaloupement ravageur avec un gobelet démesuré dans la main n'appartenaient qu'à elle, Noëlle-Sophie. Même si j'avais du mal à y croire, même si l'émotion venait se nicher où je ne l'attendais pas. Ses cheveux avaient poussé; elle portait manitenant un carré court, asymétrique et lisse, d'un noir de jais lustré que l'air à peine perceptible chassait de ses yeux clairs, félins et ourlés de charbon.

 

Je ne savais croire ni au miracle de cette apparition, ni à celui de cette beauté  inconsciente d'elle -même. J'entrais à nouveau dans le périmètre de son souffle, de sa nervosité, de son parfum masculin; comme un rôdeur, lunettes noires au nez, avide de lui cambrioler quelque sursaut de surprise. C'était trop tôt que de faire irruption maintenant, et de lui gâcher peut-être le plaisir (Innocent?) de son smoothie qu'elle aspirait à la paille avec des frémissements de lèvres indécents de gourmandise. 

 

Bon, mais je suis très mauvais en filature, je crois; je n'ai pas l'art de monter dans le même métro qu'un mec sans que mon trouble se trahisse et qu'il se retourne au bout de trente secondes, pourquoi cela aurait-il été différent pour elle?

 

Parce que Noëlle-Sophie est gourmande à s'en damner, et que, tout occupée à la succion coupable de sa paille ; elle n'a pas remarqué mon petit manège et le métro s'est mis à glisser quand je me glissai derrière elle.Seulement voilà, un mec haletant et un brin maladroit qui vient se poster derrière vous, ça se remarque! Si en plus, une secousse imprévue le projette contre vous, qu'il essaie de se rattraper en courbant sa main en corbeille contre votre sein et que sa course l'a fait réagir en mode étalon; tout se combine adroitement pour générer le désastre!

 

Adieu gentil smoothie qui jaillit de sa paille et barbouille les joues rougies de Sophie (et moi comme un con qui rigole!)...

 

Ca prévient pas, un retour de smoothie dans la gueule, je peux vous l'affirmer; c'est juste le prémisse d'une magnifique mandale.

" Celle-là tu l'as pas volée espèce de connard!"(d'un seul jet, d'un seul!)

 

J'aurais dû m'en douter... aussi angélique qu'elle soit; il ne faut jamais perturber Noëlle-Sophie en pleine dégustation. Et qu'elle me reconnût alors ne changea rien à l'affaire. Mon autre joue reçut aussi son juste salaire , et j'étais au nirvana...

Tag(s) : #Renan et Ewald
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