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Et lui, d’abord anonyme dans cette génération brutale qui repoussait les limites ne voulait connaître aucune limite, et partait en première ligne. Mais avec ce qu’il avait lui, c’est-à-dire pas grand-chose aux yeux de tous ces gars au milieu desquels maintenant il bossait. Provincial, mais capable de tourner en dérision les prestiges de Paname ; petite stature mais tonicité à toute épreuve ; sensibilité à fleur de peau mais comprenant instantanément tout de l’autre. Esprit infatigable, s’inspirant de tout et de tout le monde ; choisi comme frère par des gars aussi différents qu’Ibrahim, Fred ou Allan.

 

Lorsque je suis revenue chez moi, mon père m’attendait avec le dîner servi dans la véranda ruisselante de pluie. La nature automnale enveloppait notre maison d’un calme surprenant, comme un cocon de douceur.


«  Je ne vais plus jamais m’ennuyer, River, j’ai tâché de cuisiner avec le téléphone à l’oreille parce que Jeffrey m’a appelé très longuement. Il aura besoin de tout grappiller pour entrer dans  son nouveau rôle »

Le rôle de Murray, vingt-trois ans ; incarcéré depuis deux ans pour de mystérieux actes de terrorisme. Complètement imprévisible et loufoque, c’est un mystique qui ne supporte pas la moindre forme d’oppression. Après avoir fait un carnage de ses ennemis réels ou supposés, on le voit par exemple sortir une abeille sur le bord de la fenêtre à barreaux ; en prenant soin de ne pas se faire piquer car ce légitime acte de défense coûterait la vie à l’animal… Féru d’histoire, il est aussitôt à même d’entrer en communication avec les fantômes de détenus ou de victimes antérieures. Il aide le personnage de Lennon, incarné par A.S.E.N  à obtenir la preuve de son innocence car ils rencontreront le spectre de sa prétendue victime.

Murray est une sorte de passeur de monde, un Charon à l’envers. J’ai posté sur la page Jeffrey T.Drake une vidéo de Heron Gil Scott , Me and the devil où les skatteurs black se peignent une face de crâne, des côtes et une colonne vertébrale dans le dos avant de rouler en bandes dans les rues de NY sous la grêle. Heron termine par un couplet parlé digne d’Homère

Standing
In the ruins of another black man’s life
Or flying through the valley
Separating day and night
I am Death,
Cried the Vulture,
For the people of the light

« C’est ça, c’est ça ma nouvelle dope pour tourner Murray ; apparaît aussitôt en commentaire, demande à Alb s’il a des nouvelles d’Ibrahim. » 

Ainsi il me rejetait tout à trac dans ma promesse choper ce numéro d’écrou et solliciter le plus vite possible ce parloir. Alors j’ai commencé à bosser à mes études mais j’avais l’alliance sacrée de Sol. Elle a tout obtenu de Diane, lui faisant croire que c’était elle à qui Jeff avait donné le rôle de messagère.

 

Et j’ai pris la bagnole de mon père pour entrer dans les lieux, les intestins tenaillés d’émotion et de regret. Si j’avais su quelles pensées Jeff y brassait jour et nuit quand il y était, je serais venue bien plus tôt et j’aurais bravé ma répugnance. J’aurais commencé à me sentir vivre dès l’été de 2012. Un été sans route, sans plage et sans étreintes ; mais un été bouillant, avec l’espoir  chevillé aux entrailles et son visage bien net dans ma mémoire ; le pétillement dans ses yeux qui désaltère, et ce pli d’ironie inspirante tout au coin de sa lèvre. J’aurais été consciente de tout cela, inaccessible derrière la table ; mais immédiatement visible, et mon imagination inquiète ne se serait pas perdue à le recréer contre l’oubli.

 

Tag(s) : #Midnight Parlor
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