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cactus.jpgC’est une maison vaste, lumineuse ; tout y est de bon goût. Mais il plane sur ce parfait agencement tant d’implicites contraintes qu’il semble impossible d’en profiter. Je m’étais interdit toute animosité envers ma belle-mère, mais c’est plus fort que moi. Cette tension qui enveloppe tous les objets, qui défend au petit canard boiteux d’ y porter la main, qui le rend presque indigne de tous les plaisirs liés à son nouvel état ,c’est bien son œuvre, et celle de ma soeur Une œuvre discrète et vénéneuse.

Avec Frangine qui doit partir bientôt, je n’ai plus d’éclats de voix.

 

Elle a appris à faire sentir par de simples petits gestes, pincements de lèvres, infimes soupirs entendus tout le mépris qu’elle a pour moi. Belle-mère est plus ouverte, sa position de maîtresse de maison l’autorise à pratiquer la fausse bienveillance ; elle fait autorité, mais on ne peut se fier à ce qu’elle affiche. Elle a le don de rendre tous mes propos déplacés, toute mon attitude maladroite ; et déjà, cette gaucherie qu’elle induit chez moi tout en paraissant aimable me rend malheureuse.

 

Le pire, c’est qu’elle ne semble pas non plus aimer spécialement  Frangine. Leur coalition est un arrangement de façade, sans doute pour m’intimider. Mais dans le couloir, alors qu’elles ne se savaient pas écoutées, j’ai bien perçu au ton et aux propos de Belle-Mère la volonté de maintenir ma sœur à sa place ; et même une certaine ironie.

 

Je me sentais seule mais après tout elles aussi doivent l’éprouver, cette solitude. Pourquoi ne se révoltent-elles pas ?

Ce ne sont pas les hommes qui nous assujettissent, c’est le poison de la jalousie qui nous paralyse. Deux femmes en âge de séduire se rencontrent ; elles sont belles et tout en elles respire la douceur et la délicatesse. Eh bien pariez tout ce que vous voulez que dans l’instant où elles se considèrent, toute cette douceur a disparu et que la rivalité s’instaure entre elles comme le courant le plus naturel. Mais regardons autour de nous, le luxe de nos maisons, la subtilité de notre littérature, de notre philosophie, le progrès incroyable de nos sciences. Nous ne sommes pas des femelles, nous sommes des femmes.

 

Pourquoi ne pourrions-nous pas tout simplement nous aimer, faire du chemin ensemble, suivre le progrès de notre civilisation ? Papa est venu m’ouvrir son cœur et j’ai été transportée de bonheur ; j’aurais voulu aussi étreindre  Frangine et que nous nous donnions de nouvelles chances.

Mais je me suis heurtée à un ordre solide, celui qui nous engourdit, nous frustre et nous fait nous haïr.  

 

 

Je pourrais me dire « Heureusement qu’il y a papa, heureusement qu’il y a ...XXL » C’est vrai, après le ballet des chiens de faïence, leur bonhomie console.

Papa m’emmène chez le glacier du coin et nous nous goinfrons de tout ce qui contient le plus de chantilly de tout ce qui dégouline avec indécence de chocolat fondu, sans regarder aux calories, sans être convenable… J’oublie un temps mon incompréhension, ma raideur et mon ressentiment ...

 

Mais ça ne lui  fait rien que j’y retombe lorsque j’ai passé son seuil. Il ne peut pas l’ignorer ; il s’en accommode, c’est plus facile après, de paraître sympa et de détendre l’atmosphère; en somme il se ramasse le beau rôle à bon compte et sans trop d'efforts...

Tag(s) : #hétéro de formation
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