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Halloween

 

31 Octobre- 1er Novembre 2012

 

J’étais tellement énervée que j’ai raccroché au lieu de prendre l’appel en attente puis bidouillé comme une hystérique pour tomber sur la voix de Gregor.


« C’est vous Charlotte ? Par pitié dites-moi quelque chose de rassurant, vous êtes toujours à Heathrow ?
- Je n’ai pas bougé, que se passe-t-il Gregor ?
- Sortez dans cinq minutes, j’arrive. Ce n’est pas tant ce que Lew a fait ce soir, c’est ce que j’ai appris ; et pas de sa bouche en plus. Vous vous souvenez de sa « camarade de classe » Emmy qui était avec nous au Heaven en Avril dernier ? Ils ont monté pour mon  client  une mise en scène déplorable tous les deux ; Lew a ingéré tellement de trucs avant qu’il ne tenait même plus sur ses jambes et qu’elle a fini par le traîner dehors. Je n’ai aucune idée d’où ils sont, mais Lew vous a bien donné une clé de son appartement, n’est-ce pas ? »


L’Aston de Gregor crissa nerveusement sur le bitume. De fait, il était hors de lui, comme peuvent l’être les britanniques, c’est-à-dire qu’il tremblait un peu en me prenant ma valise des mains. Et c’est moi qui à présent tremblais pour le job de Lew. Gregor n’était pas seul. Il y avait à l’avant un jeune mec blond ; visage émacié et bras musclés sous le gilet en cuir sans manches, même s’il faisait à tout casser deux degrés dehors. Le plan de Gregor pour la nuit sans doute, qui aurait encore un peu à patienter. Il ne se dérangea absolument pas, alors que je montai, ni pour me saluer, ni même pour tourner la tête.


«  Oh, euh oui, Charlotte voici Gillian ; je manque décidément à tous mes devoirs. Gillian et Lew doivent travailler ensemble sur un nouveau projet et il était convenu qu’ils fassent connaissance ce soir. Si Lew  avait été un tant soit peu sobre…
- Don’t worry Greg, fit alors le Gillian d’une voix désagréablement nasillarde. I really want to work with him anyway. 
- I guess what your thoughts are about, dear. But it’s above all work, and reintegration, don’t forget it.
- Oh Jesus, just fuck reintegration!” finit par marmonner Gillian qui ne daigna plus prononcer une parole.


Gregor, lui, était intarissable. Sans rire, l‘inconduite de Lew rendait cet ancien d’Eton plus volubile qu’un marseillais. En fait, le contrat avait bel et bien été  signé dans l’après-midi ; c’est au cours de la soirée gay-costumée ensuite que les choses s’étaient gâtées. Encouragé par Emmy, et décalqué à coup de cachetons, poppers et Cocaïne liquide (un cocktail infect à base de vodka, tequila et curaçao) ; Lew s’était pointé dans la boîte réservée, maquillé au charbon de bois, et portant un des costumes lacérés d’Andrew Knights avec rien en dessous ou peut-être un tout petit jod. Ce costume, Lew ne l’avait certainement pas choisi au hasard. C’était l’un des préférés d’Andrew ; l’un des plus chers sans doute, qu’il portait presque invariablement pour les réunions importantes. En tweed bleu roi, très particulier et inratable.  


Soudain, cette idée me flanqua le vertige : j’imaginais que juste après avoir appris la mort d’Andrew, Lew était allé subtiliser ce costume, peut-être d’autres d’ailleurs, bien qu’ils eussent été importables, et les avait conservés, soigneusement pliés dans ses cartons de déménagement, pour Lille où nous nous étions connus, puis à nouveau pour Londres où il résidait maintenant. Une forme de fétichisme, ou d’obsessionnelle perversion qui montrait combien, en dépit de sa joyeuse humeur et de son énergie, cette histoire l’avait irrémédiablement ruiné.


Tout porte à croire que le respectable « client » avait reconnu le costume d’Andrew ; un voile livide s’était abattu sur sa figure impassible lorsque Lew l’avait exhibé dans une rageuse séance de Voguing avec les Vampires. Et comme si ça ne suffisait pas, Lew avait à plusieurs reprises bombé le torse, et lascivement tiré sur le pan gauche de la veste, afin de faire apparaître sur sa poitrine nue la grande croix tracée au couteau, juste à l’endroit du cœur.

«  Je ne savais rien Charlotte, rien de rien je te jure ; sinon je me serais bien gardé de lui dire, cet après-midi ; que Lew avait été un temps son fils adoptif. Qui aurait su de toute manière qu’il en abusait ? Qui aurait cru Lew ?

Tag(s) : #Ma barricade
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