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perruchenoel

Je me souviens parfaitement de cette nuit-là. Al dort d’un sommeil agité et plaintif et moi, en bon insomniaque de ma race, je suis encore en l’air à trois heures. Je bois un whisky en compagnie d’une perruche bleue qui me fixe de son œil rond , en émettant de petits couinements émoustillés.


Ilian l’a appelée Britney, c’est un souvenir de gloire ; celle d’Al, la Mollie a claqué d’un arrêt cardiaque une semaine après son adoption. Al a donc recueilli celle de son « partenaire » retourné dans son Nice natal pour y gérer un magasin de pompes .

Je suis à la fois heureux et déprimé. J’ai retrouvé Al et mon cul dit mille fois oui, mais je sens qu’à trente ans bientôt, ma vie aventureuse va prendre fin, dans ses bras. J’aime cet appartement qui est le sien, acquis en grande partie avec sa part sur la vente de Haut-Lieu. Le havre familial s’est dissous ici, ainis n'y a-t-il plus de doute possible sur lui, du moins je l'espère. 


Al n’est pas à plaindre, et dans le même temps il l’est infiniment. Il a retrouvé le sourire de Thierry, mais Charlotte résiste de toutes ses forces à la réconciliation. Face à lui, elle tremble encore, dix ans après, ça le rend trop triste et amer.

«  Tu te rends compte ? Pour une tentative j’aurais pris dix ans si elle l’avait voulu, et maintenant je serais sorti…
- Il y a des traces indélébiles, Al. D’autant plus qu’elle t’aime et qu’elle nous aime tous les deux. » Je lui ai montré à nouveau les deux dernières pages de son journal, en 2003, celles que j’avais coupées au balisong.

«  C’est inutile, Lew, je les ai apprises par cœur. C’est de toi que j’aurais pu tomber à cet instant amoureuse. A ta manière, toi aussi tu m’as sauvée.
-  Et vous vous retrouverez pour tous ceux qui pensent obstinément, malgré l’enfer des convenances, malgré l’étau de la « bonne moralité », que l’on a le droit d’aimer qui on veut, comme on le veut, et durant le temps seul où cet amour est vif. Nous n’imaginions pas Alexandrine, à cette époque.
- Elle non plus. Il était là, l’accomplissement. Mais je suis mis à l’écart. Je suppose encore et toujours que je ne mérite pas mieux. »


Je ne sais pas s’il dort vraiment. Il est trois heures et demie. Je lui pique une clope. Tout compte fait, je dois être heureux. De retour avec la grande conquête de mes vingt ans, ça claque, non ? Depuis quelque temps je rêve de me jucher avec lui sur les marches d’un bâtiment à fronton avec plein de monde autour. On sera les perruches du bon cortège qui récidive dans son défilé en rose ce mois-ci ; mais bientôt on aura tout plein de gros doigts pour eux planqués dans nos manches à plumes. Synthétiques bien sûr, Lew enfile les Directeurs de Conscience mais ne saurait de sa vie faire le moindre mal à un animal. 

Tag(s) : #Ma barricade
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