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Deux jours passèrent, où la poussière du chemin crayeux fut laissée à sa tranquilité désespérante. Pas l'ombre d'un solex impertinent pour la balancer au visage de Baptiste, et pourtant; n'était-ce pas le trajet quotidien de Théo pour se rendre à la musique?

 

Au bout de deux jours, Baptiste n'y tint plus; la vaste et fraîche maison lui semblait prendre un souffle de tombeau, son corps était en manque. Son esprit aussi, de stimulation. Alors il partit en chasse.

Il s'habilla, classe mais sans ostentation et sortit du garage la jag délaissée de puis le triste jour du cimetière.

 

Vingt-neuf ans aujourd'hui, et personne pour partager la fête. Sur la place du village, des ados en grappe, de jeunes adultes au digestif, des familles de touristes attablés devant un menu du jour, leurs gosses courant joyeusement entre les arbres et s'aspergeant à la fontaine.

 

Baptiste reconnut des camarades de primaire, ou d'autres figures croisées à l'enterrement. Chez tous cette espèce d'amabilité inquiète et ces airs dévorés de curiosité. Décidément, il n'aimait que Théo car il lui semblait le seul doué de spontanéité dans ce foutu bled. Peut-être aurait-il pu faire plus simple après tout, mais il avait l'impression confuse que cette distance friquée était ce qu'on attendait de lui. 

 

Il s'attabla près d'un groupe de jeunes filles aux sourires avenants; avec un seul mec qu'il avait pris pour Théo, tant leurs cheveux acajous se ressemblaient.

 

Celui-là paraissait plus âgé cependant, dix-sept ans peut-être, et il était considérablement mieux coiffé.

Beaucoup plus apprêté aussi, tant dans sa mise que dans ses manières où perçait à tout instant une grâce calculée. Baptiste s'y intéressa.

 

Sans cette espèce de surveillance que le garçon semblait imposer à ses attitudes, il eût été foutûment appétissant. Là, il était juste désirable, la taille bien prise dans un jean ajusté, et le hâle adroitement rehaussé par un tee-shirt rouge du plus bel effet.

 

Bien vite, le jeune homme s'aperçut du regard non pas appuyé mais régulier que Baptiste portait sur lui. Visiblement, il avait l'habitude de ces discrètes marques d'intérêt venant d'un homme; bien plus certainement que le tapageur et maladroit Théo. C'était un de ces faux délicats, un de ces jeunes habiles tout prêts à consommer. Ca tombait bien, Baptiste n'avait pas envie de faire trop d'efforts. Juste de se glisser dans la torpeur chaude de l'après-midi, de boire et de tisser tranquillement sa toile autour du joli petit bougre.

 

Avec la facilité qu'ont les groupes d'ados à se faire et se défaire au gré des humeurs, des désirs et des occasions; les filles s'en furent vaquer dans des directions diverses et le garçon vint tout naturellement s'asseoir en face de Baptiste qui le considérait de plus en plus clairement, le menton appuyé sur la main, et la joue barrrée par l'index tendu.

 

" Ca fait plaisir de te voir enfin sortir de ton bunker, Baptiste, et de profiter un peu du soleil sur la place...

- On se connaît? rétorqua doucement Baptiste, un peu heurté par ce tutoiement et cette familiarité immédiate.

- Mais bien évidemment; je suis Gildas, tu sais celui que ta mère emmenait à la danse, tous les mardi et Vendredi, à Villeneuve."

 

Baptiste voyait très clairement; mais cette clarté le peinait pour Théo, qu'il n'avait pas réussi à reconnaître, lui. Alors autant ne pas accorder à Gildas trop d'importance, et lui laisser croire que cette régulière attention de sa mère ne lui avait franchement laissé aucun souvenir.

 

Glidas était décidément fin, mesuré, pointu. Il y avait même quelque chose d'horripilant dans cette extrême finesse, qui donnait des envies de le clouer très brutalement à plat ventre dans la poussière. Ah, mais voilà que Baptiste se sentait revivre en le regardant minauder, pas de la meilleure vie sans doute, mais de pulsions fauves qui le ranimaient et faisaient refluer le sang à grands traits dans ses membres. C'était bon.

 

Autant laisser cette chaleur monter en lui progressivement, jusqu'au point fissile où il se jetterait sur lui. Oui, c'était bon de tenir la bride haute à son Etna, de décider pour tout, de parler avec une douceur infinie, de faire déjà communiquer en un mélange intime l'étincellement aigu de leurs deux regards pleins d'envie.

 

" Pardonne-moi, je m'étais un peu désintéressé de cette passion que maman avait pour la danse. en bon fils unique tyrannique je voulais que ma mère se consacre exclusivement à moi. Juste aujourd'hui,  je me rends compte que j'ai eu tort de m'aveugler à ce point.

- Je le crois, fit Gildas, j'ai tellement progressé que je suis maintenant au Conservatoire de Bordeaux..."

 

Tag(s) : #Les valises de Théo
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