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Les instants de grâce échappent à tout logique et quelquefois quand tout le monde dort ; la voix de la Logique s’éteint et les prodiges opèrent à l’abri des regards. Oui, il y avait quelqu’un dans la rue ; avec des yeux cinglants et exorbités qui luisaient de toutes leurs forces dans le noir.

 

« C’est toi Jeff ?
- Oh putain, un fantôme ! »

 

J’ai réalisé en effet que j’apparaissais dans cette robe candide qui me descendait jusqu’aux chevilles et j’ai ri, parce que ça ne pouvait être que lui. Son sourire s’est éclairé, en contrebas ; alors je suis descendue comme une folle et j’ai traversé le jardin en un éclair pour lui ouvrir la petite grille dérobée et grinçante qui donnait sur sa route. Tout était désert, j’ai cru un instant que le mirage s’était dissipé et des larmes ont jailli de mes yeux, mais je me suis contenue.

Ça bougeait dans les taillis, de l’autre côté de la route.

 

« Jeff, c’est ouvert. Viens, déconne pas !
- Non, j’ai trop la trouille !!! » m’a répondu une voix rieuse, et il s’est dressé derrière les buissons.

 

Lui aussi avait de quoi faire peur, l’imbécile, dépeigné et exsangue dans les fringues que je lui avais données un an plus tôt. Mais c’était Lui, à quelques mètres, avec toujours cette même allure dégingandée et insolente que j’avais follement essayé de recréer dans mes rêves et qui se tenait là, éblouissante de vérité.

 

« Montre-moi si tu es bien réelle … » a-t-il lancé avant de bondir sous les arbres, en direction des berges.

Piquée, je l’ai suivi, je me suis mise à courir derrière lui ; il riait sans s’arrêter, et moi j’essayais tant bien que mal de relever ma robe au-dessus des genoux.

 

« Jeff ! Jeff !
- River… River… »

 

J’ai traversé des couloirs sans fin de ronces et de fougères à sa poursuite, en m’accrochant,en me griffant partout, je les voyais défiler et se rabattre derrière lui, puis quand il me sentait à bout de souffle il les écartait pour moi et s’esquivait à nouveau avec une souplesse de fauve. Je suis arrivée haletante au bord du fleuve, je ne le voyais à nouveau plus. L’eau scintillante coulait très rapidement, en murmurant de mille voix conjuguées.

 

« Tu veux y retourner, River ?  » C’était lui.

 

 Il avait jeté ses fringues dans les arbres ; et je l’ai imité. La Terre épaisse du bord s’est ouverte sous nous deux, et nous a retenus, poings serrés l’un dans l’autre ; et les arbres se sont mis à flamber devant mes yeux, avec les murmures de l’eau qui nous appelaient encore ; mais qu’on n’écoutait plus.

J’ai fermé les yeux, je me suis laissée prendre au piège de la Terre, cette fois-ci.

Tag(s) : #Un orage de goudron
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