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manege01.jpgLe rire; le flot humain les a ballotés de-ci, de-là.

 

Ils ont marché jusqu'à Montmartre, se sont assis devant les manèges pour partager le pain qu'ils avaient pris à leur hôte puis ils ont bu et devisé avec des amis de rencontre, harcelés par des pigeons carnivores.

 

Ils ont vécu ce troisième jour comme portés par la nuée, jusqu'à ce que, sur eux, elle se renverse , s'obscurcisse et crève. Ils avaient monté la butte, ils l'ont redescendue sous l'averse battante, son petit imper à lui déployé sur leurs deux têtes.

 

Ils sont restés trempés jusqu'à ce que la nuit tombe; et que la ville à nouveau s'illumine; ironique, et que les trottoirs mouillés reluisent en narguant leurs semelles infimes. On les a apostrophés plusieurs fois, méchamment, elle s'est sentie glacée.

 

Le ciel pétrole et cotonneux semblait alors s'abaisser sur la terre, envelopper le haut des monuments d'une voûte d'ombres. Il faisait froid. Et comme elle n'y tenait plus, elle a uriné dans une rue à peine retirée, tandis qu'il faisait le gay, tentant de lui trouver des paroles guillerettes.

 

Mais c'était comme un poids tombé alors dans son ventre; où aller maintenant? Gare du Nord, ils se sont assis, rêvant de monter dans un train pour Cologne. La nuit était bien noire, à présent. Ca devenait beaucoup, beaucoup moins drôle.

 

Il fallait pourtant qu'ils trouvent quelque part où dormir,et lui, jamais, jamais il ne se démontait! Alors, pour le gîte, il a décidé de sortir une fois encore la carte de sa jeunesse et de sa fougue. Mais il fallait se rendre dans un lieu approprié.

 

Il se souvenait d'une adresse vue sur un magazine, ils ont trouvé. L'endroit avait une petit porte basse, qui semblait rebondir aux pulsations de la musique. Il y avait de l'humain en concentré là-dedans, ; il y ferait bien chaud, songeait-elle en faisant tourner ses épaules engourdies.

 

Mais si l'on voulait bien de lui, on tenta de la refouler, elle. Les petits sbires à la porte eurent des mots très très durs; des mots qu'elle ne soupçonnait pas, et elle vit le moment où, mû par son désir inextinguible, il entrerait là sans elle. Son regard fou partait déjà dans les remous du fond de la salle.

 

Elle n'a plus de souvenirs de ces voix masculines qui pourtant s'élevèrent en sa faveur, pour l'abandonner aussitôt entrée.

Plein de sang et d'audace, il s'en fut parmi les corps qui dansaient et elle, la chevelure encore ruisselante, s'assit où elle pouvait et ferma un peu les yeux.

 

C'était là un monde où elle avait l'impression de devenir transparente, sans révolte, car c'était reposant. Peut-être un jour deviendrait -elle fantôme et pourrait ainsi , lumineuse, effleurer des danseurs de sa cape de candeur.  Ils étaient là , prenaient la pose, se toisaient, s'évaluaient, se défiaient. une marée de fantasme débordait de leurs yeux mi-clos, aspirés un à un dans le typhon anatomique où son ami venait de disparaître.

 

Oh, comme c'était bon d'être là, juste au bord. Elle avait envie de s'assoupir...

Tag(s) : #Leur fugue et moi
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