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Le matin du onzième jour, un surveillant nommé Samuel est venu m’annoncer que Marc et moi  serions libérés le lendemain. De toute évidence la mobilisation des miens avait fait rage, ou bien le bon Ministre avait-il  jugé que nous en avions assez pour l’exemple … Quoiqu’il en fût, j’étais gêné envers Jeff qui lui devait purger le temps prescrit jusqu’au bout et dont l’écrou ne serait levé qu’à la fin du mois.

 

« Chiale pas copine !  riait-il ; le regard pétillant de malice : on sortira pas ensemble ! » et on est tombés dans les bras l’un de l’autre.


Ibrahim nous avait même cantiné une bouteille de rouge (à laquelle lui-même ne touchait pas) et des gâteaux pour fêter ça. Au milieu de ce bunker de chagrin, qui aurait pensé trouver une cellule aussi joyeuse ?

 

Même le soleil était de la partie, et Ibra tentait d’apprendre une chanson en arabe à Jeff qui sautait partout la clope au bec ; une histoire de nana avec les yeux noirs comme des olives qu’il fallait scander de « wakha ! wakha ! » ; Jeff gueulait « OUARA ! » et Ibra pleurait de rire devant ce danseur aux déhanchés improbables et à l’accent effroyable, quand Samuel est entré à nouveau ; la mine plutôt déconfite.

 

« Ça fait plaisir de te voir comme ça Jeffrey.
- On vient boire un coup , gardien ? Allez fais pas ta vieille fesse, tu l’auras ton concours d’éduc.
- Il faut que je te dise un truc, tu peux venir dans le couloir, deux minutes ? »

D’un seul coup la folle ambiance était retombée. On essayait d’entendre avec Ibra, parce que Samuel avait l’air tellement emmerdé que ça présageait rien de bon.

Jeff est rentré à nouveau, encore plus blême que d’habitude et pour de bon rembruni. Il  a rageusement jeté sa clope encore fumante dans la cuvette des toilettes, puis il est monté sur son lit se fourrer la tête entre les genoux. Ibra et moi on savait plus quoi faire.

«  C’est Alban ; a-t-il fini par lâcher ; il vient de prendre un mois de mitard. »


Même si j’essayais de prendre une mine consternée, ça ne m’étonnait pas vraiment ; et Jeff l’a senti.

Par un curieux « hasard » on s’était trouvé en promenade avec lui une semaine auparavant ; et quand il m’avait vu rigoler avec son petit frère ; il avait pas apprécié du tout. Directement, il avait marché sur nous, l’œil mauvais, et apostrophé Jeffrey :

 « Tu marches avec cette bande de pédés, maintenant ?
- Quelle bande de pédés ? avait répondu Jeff avec ce visage à la fois ahuri et piqué qu’il adptait si bien quand on le prenait de front.
- Ces enculés de la gauche caviar qui veulent nous faire croire qu’ils sont contre les prisons. T’as vu sa gueule avec ses cheveux frisés de bouffon, là ? Dans dix ans ça sera un gros bourge qui te crachera dans l’dos ! »

 

A voir la perplexité de Jeff en cet instant, et l’attroupement rigolard qui s’était formé autour de nous, j’étais tout sauf rassuré.

« Fais pas chier Alb’, a répondu Jeff , calme en apparence ; comme si tu savais où tu seras dans dix ans, toi…
- Ici mon pote ! Et toi aussi, on n’est pas des zoulettes qui font la guerre dans les salles de cours, nous !!!
- J’ai pas l’intention de moisir toute ma vie ici, même si j’aime la baston. Y a mieux à faire dehors…
-Tu me vires mon pouvoir d’aîné, connard ? Fais gaffe que je t’explose pas ta petite mâchoire de merde si tu continues à faire l’intello devant moi ! »

Tag(s) : #Viva V.
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