ESclandre (allAN)

«’Savez, il manque encore les odeurs pour être bien dedans … Léna et moi on va bricoler un petit diffuseur ; vous m’en direz des nouvelles !
- Réponds, sale péquenot ! a lâché A.S.E.N  en le bousculant aux épaules. T’es qui pour venir me faire chier comme ça ? »

L’œil de Jeff s’est alors mis à briller de sa lueur guerrière et je sentais la diarrhée me vrombir dans les tripes ; mais il a juste dégagé son épaule si brusquement que l’autre a eu un mouvement de recul.
«  Un bouffon comme toi, mais qui sait comment c’est le cloaque, lui ! »

Le réalisateur Barney est alors intervenu pour séparer A.S.E.N  qui décolérait pas et Jeff particulièrement satisfait de son petit esclandre. Léna, blanche comme un linge discutait de façon très animée avec la co-réalisatrice Giulia Camoretti qui nous a fait signe de la rejoindre.

«  Votre boulot est très bon, mais je te demanderais d’arrêter de te comporter comme dans une cour de récré ! a-t-elle fait à Jeff qui se renfrognait comme à chaque fois qu’une « grande » le sermonnait.
- Je pensais pas qu’il allait stresser comme ça, moi ! Ils ont dit à Léna de faire dans le glauque et elle m’a juste demandé de l’aider. Elle est pas responsable.
- Personne ne te demande de jouer les avocats non plus ! Je connais ton histoire, Jeffrey, et c’est vrai qu’elle peut nous être utile. Toutefois je ne pense pas que Vivonne c’était exactement comme ça.
- C’est pas la vétusté qui compte le plus ; c’est l’état d’esprit. Ça doit être un endroit de cauchemar, non ?  Qu’il nous fasse pas sa poule effarouchée ; il en sort le soir, lui…
- Bon Jeff, t’es certainement un combattant à toute épreuve, bravo ; mais il faut que tu apprennes à travailler avec des gens qui ont une sensibilité sinon ça n’est pas possible. Ni Barney ni moi n’avons l’intention de te virer comme il le demande, parce que je crois précisément que ta présence va le mettre sur des braises et ça c’est bon pour la caméra. Mais n’en fais pas des tonnes non plus, que tu sois là et que tu circules pour bricoler dans ses parages suffira bien, tu me comprends ?
- Ouais, en gros j’emboîte et je déboîte des tuyaux et je ferme ma gueule même quand ça me démange…
- C’est à peu près ça, et ça devrait déjà bien le faire… » a-t-elle conclu en lui souriant avec une douceur suspecte.

Enervé, A.S.E.N  l’était ; surtout que Jeff se débrouillait toujours pour réapparaître quand l’autre était sûr de s’en être débarrassé, et faisait style j’ai absolument  besoin de jeter un tas de tubes métalliques contre le mur alors qu’on était en pleine prise. Le job prenait vraiment un tour comique en dépit du thème plutôt trash et bien entendu, mon lascar de pote avait gagné une certaine popularité à jouer le trublion dans cette assemblée de faux-culs avec leurs vénérations intéressées. Décidément, il n’y aurait jamais rien de sacré pour Jeff. Même s’il devait être sacralisé, lui.

En fait, on a pas capté à quel point ce studio servait de laboratoire à Barney et Giulia ;  Jeff et A.S.E.N  leur tenant lieu de premiers rats. Ils comptaient les points tout comme nous mais eux ajoutaient l’expérimentation au divertissement. Déjà ils  ne perdaient pas une miette de cet affrontement qui rendait A.S.E.N  meilleur ; plus à  fond dans ses scènes d’enfermement. Et il ne faut pas croire que Jeff se sortait toujours triomphant de ce « duel » ; il avait aussi à essuyer pas mal de vexations. Il arrivait que A.S.E.N , fort de sa notoriété lui balance un objet au visage ou l’injurie hors caméra. Jeff serrait les dents, et le regardait juste quitter le plateau avec en général deux ou trois poufs qui se riaient de lui.